Nénufemme

Buste,  par Anne-Sophie CASAGRANDE (2002)

 » La NUE  » Poème de Théophile Gauthier

A  l’horizon monte une nue,  Sculptant sa forme dans l’azur: On dirait une vierge nue  Émergeant d’un lac au flot pur.

Debout dans sa conque nacrée,  Elle vogue sur le bleu clair.  Comme une Aphrodite éthérée,  Faite de l’écume de l’air;

On voit onder en molles poses  Son torse au contour incertain,  Et l’aurore répand des roses  Sur son épaule de satin.

Ses blancheurs de marbre et de neige  Se fondent amoureusement  Comme, au clair-obscur du Corrège  Le corps d’Antiope dormant.

Elle plane dans la lumière  Plus haut que l’Alpe ou l’Apennin;  A son corps, en vain retenue,  Sur l’aile de la passion,  Mon âme vole à cette nue  Et l’embrasse comme Ixion.

La raison dit: « Vague fumée,  Où l’on croit voir ce qu’on rêva,  Ombre au gré du vent déformée,  Bulle qui crève et qui s’en va! »

Le sentiment répond : « Qu’importe!  Qu’est-ce, après tout que la beauté,  Spectre charmant qu’un souffle emporte  Et qui n’est rien, ayant été!

A l’Idéal ouvre ton âme;  Mets dans ton cœur beaucoup de ciel,  Aime une nue, aime une femme,  Mais aime! C’est l’essentiel

Collection privée